Auteurs : Bontje Zangerling, Vivien Deparday, Michel Tchotsoua, Mira Gupta, et Tamilwai Kolowa
Article original à World Bank Blogs. (English)
Comme de nombreux centres urbains en Afrique, la ville de Ngaoundéré, au Cameroun, a connu un accroissement rapide de sa population, qui est passée d’environ 180 000 habitants en 2005 à près de 290 000 en 2020.
Largement non planifiée, cette croissance urbaine s’est souvent traduite par l’occupation de zones exposées aux inondations et aux chutes de pierres, notamment par les migrants ruraux. De telles catastrophes font régulièrement des ravages au sein de la population et, entraînent une exposition accrue aux maladies, aux pénuries alimentaires ainsi qu’une vulnérabilité financière.
Ce lien entre une croissance urbaine rapide et non planifiée et une exposition accrue aux risques naturels est particulièrement problématique pour les gouvernements locaux, qui manquent de données pour élaborer des réponses politiques précises et efficaces. Comment faire face à un problème sans pouvoir le mesurer ?
Au cours des deux dernières années, les contributions d’un large éventail d’acteurs ont permis d’accroître la disponibilité des données et de produire un Atlas des risques. Ce dernier est désormais utilisé par la communauté urbaine de Ngaoundéré (CUN) pour informer la gestion et la planification urbaines.
Combler le déficit d’information
En 2018, Ngaoundéré a été sélectionnée comme l’une des 12 villes prenant part à l’initiative Open Cities Africa, lancée par le Fonds mondial de prévention des catastrophes et de relèvement (GFDRR). Son objectif ? Appuyer la collecte d’informations sur les risques à travers l’engagement des citoyens et favoriser le développement d’outils pour la prise de décision locale.
À Ngaoundéré, cette approche a permis à l’équipe de cartographier plus de 300 km² de zone urbaine, en combinant les contributions des résidents locaux avec des données de la municipalité, et de nouvelles images de drones. Ce travail est actuellement disponible en ligne, via l’Atlas des risques et dans OpenStreetMap. L’initiative a été coordonnée avec le Projet des villes inclusives et résilientes du Cameroun (PDVIR), financé par la Banque mondiale et mis en œuvre par le ministère de l’Habitat et du Développement Urbain.
L’engagement local permet à la communauté de se sentir concerner et d’agir en s’appropriant les actions locales
Dès le début, le projet Open Cities Ngaoundéré a donné la priorité à l’engagement des différents acteurs locaux. Son principal exécutant, l’Association pour la cartographie de la gestion des ressources (ACAGER), a consulté 30 groupes locaux, dont les ministères, les organisations de la société civile et des associations communautaires opérant dans des zones à risque.
Les membres des communautés, qui n’avaient jamais été impliqués dans la gestion urbaine, sont désormais plus conscients des défis. De plus, ils s’approprient et assument la responsabilité des actions déployées dans les zones où ils travaillent et vivent.
Nous avons pu leur montrer le nombre de maisons dans chaque quartier, celles qui sont à risque et leur expliquer les mesures qui peuvent être prises.
Les communautés organisent maintenant des « Jeudi Propre » : des rassemblements hebdomadaires pour ramasser les ordures, afin d’éviter que les systèmes de drainage ne se bouchent. Elles ont également demandé que des drones soient utilisés pour surveiller régulièrement les nouvelles constructions dans les zones inondables.
Comment les étudiants ont revitalisé la collecte de données municipales ?
En menant des enquêtes auprès des ménages et en sensibilisant les habitants à la cartographie, les étudiants de l’université de Ngaoundéré ont constitué la pièce maîtresse du dispositif de collecte de données géospatiales. Ce travail a permis de renforcer leurs compétences techniques et leur a donné l’occasion de contribuer concrètement aux efforts de développement de la communauté.
Le recours aux étudiants a été particulièrement efficace, du fait de leur connaissance de la langue locale, le fulfuldé, et des normes sociales et culturelles des ménages. Les contributions de ces jeunes cartographes ne sont pas passées inaperçues aux yeux des fonctionnaires locaux.
Ahmad Barngawi Mohammad, le responsable de l’urbanisme, de l’architecture et des permis de construire à la CUN, nous a dit avoir été impressionné par l’engagement des jeunes. Alors que pendant très longtemps le projet n’avait pas réussi à rassembler ces données, il constate que maintenant le projet prend de l’ampleur grâce à son approche facile et accessible à tous.
De meilleures données pour une prise de décision ciblée
Les données actualisées ont aidé les autorités locales à démontrer les difficultés rencontrées à Ngaoundéré, et à plaider avec succès auprès du gouvernement central afin qu’il investisse dans l’atténuation des risques, en ajustant par exemple les voies d’eau pour améliorer le ruissellement des eaux de pluie.
La CUN envisage également d’utiliser ces données à des fins plus larges, telles que le développement d’un système de recettes pour gérer les impôts fonciers.
S’appuyant sur le succès rencontré à Ngaoundéré, un projet similaire de cartographie des zones à risque a été lancé dans la capitale Yaoundé. Le Département d’État américain a également soutenu la cartographie participative à Douala, à travers son programme Secondary Cities.
Il ne fait aucun doute que le succès du projet Open Cities Ngaoundéré tient à son approche collaborative qui a su mettre en valeur et impliquer de nombreux acteurs : lorsqu’il s’agit de gestion et de résilience urbaines, tout le monde a un rôle à jouer.
Note : Open Cities Africa (a) est financé par l’Union européenne à travers le programme ACP-UE Africa Disaster Financing et géré par l’équipe GPURL Afrique.